Dignitié de la créature

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Image: www.lid.ch

À l’aide de la technologie génétique, il est possible de programmer les animaux et les plantes d’après des standards humains. Avec des interventions génétiques, les hommes imposent des résultats qui seraient impossibles avec les procédés naturels de la faune et de la flore. La nouvelle dimension de ces interventions nécessite de nouveaux standards éthiques. Plus les interventions sont agressives et lourdes de conséquences, plus le niveau de justification pour une intervention donnée doit être élevé.
Dans le monde, seule la Constitution suisse accorde la dignité aux animaux et aux végétaux. Cette reconnaissance explicite de la dignité de la créature par la Constitution est un prolongement de l’éthique protégeant les animaux ou de la reconnaissance des animaux comme être vivants et sensibles qui constituent la base de la loi fédérale sur la protection des animaux. L’éthique de la protection des animaux exige de rompre avec l’approche anthropocentrique de la protection des animaux qui vise à protéger les animaux pour autant que cette protection serve les humains. Au contraire, la dignité de la créature souligne que la protection des animaux est une fin en soi. Donc, la dignité d’un animal ne dépend pas de sa proximité avec les humains, mais réside dans le fait d’être et de pouvoir rester un animal d’une espèce déterminée.

La norme législative de la dignité de la créature

Au niveau des lois, le législateur a introduit une pesée des intérêts pour apprécier la dignité de la créature (loi sur le génie génétique (LGG), article 8). En vertu du paragraphe 2 de l’article 8, il existe des intérêts dignes de protection, notamment :
a. la santé de l’être humain et des animaux ;
b. la garantie d’une alimentation suffisante ;
c. la réduction des atteintes à l’environnement ;
d. la conservation et l’amélioration des conditions écologiques ;
e. un bénéfice notable pour la société, sur le plan économique, social ou écologique ;
f. l’accroissement des connaissances.

Pour juger si l’intégrité des organismes vivants est respectée, on évalue dans chaque cas le degré de l’atteinte portée aux animaux et aux végétaux par rapport à l’importance des six intérêts dignes de protection mentionnés au paragraphe 2. En vertu du paragraphe 3, article 8 de la LGG, le Conseil fédéral définit les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, il est possible de modifier le patrimoine génétique d’un animal ou d’un végétal sans pesées des intérêts.
Il incombera donc au Conseil fédéral de vérifier si le cas d’une modification du patrimoine génétique d’un animal demande une pesée des intérêts et de déterminer si le cas en question n’entraine pas une atteinte à la dignité de l’animal.

Dignité des animaux

Les animaux possèdent une vie intérieure intense. Ils éprouvent l’envie, la douleur, le désir et le bienêtre. Ils forment des troupeaux, des familles ou des communautés. Ils développent des instincts pour rester conformes à leur nature et pour préserver leur espèce. Leur instinct est proverbial et dépasse souvent les capacités de l’être humain. Ainsi, les animaux possèdent sans doute une dignité et ont le droit d’être protégés. La vie animale mérite estime et respect, tout comme la vie humaine.
La manipulation génétique chez l'animal a pris des dimensions incontrôlées. Les généticiens visent les animaux de rente pour l’agriculture et pour la production pharmaceutique, les animaux de laboratoire pour les recherches médicales et les porcs et les singes pour la transplantation d’organes vers les hommes. Dans tous ces domaines, on assiste à un développement rapide. La manipulation génétique avec les animaux n’est pas seulement la poursuite de l’élevage traditionnel ; elle permet des interventions plus ciblées et des résultats plus rapides à plus grande échelle que les méthodes d’élevage traditionnel. La manipulation génétique permet d’exploser les barrières entre les espèces.
La Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH), en collaboration avec la Commission fédérale pour les expériences sur animaux (CFEA) ont publié une brochure sur la notion de dignité de la créature dans la loi sur la protection des animaux et la recherche sur les primates :

Dignité des plantes

Les plantes ressemblent aux animaux en de nombreux points. Elles ont le même nombre, voire davantage de gènes que les animaux ou les humains. Leur communication intercellulaire ressemble étonnamment à celle des animaux. Mais pour beaucoup d’aspects, les plantes diffèrent radicalement des animaux : elles sont sédentaires et elles n’ont pas de cerveaux. Elles se développement totalement autrement que les animaux : elles font pousser de nouveaux membres et rejettent d’anciens, par exemple, des feuilles ou des racines. On peut couper la branche d’un arbre, il en repoussera un autre, mais on ne peut pas arracher le membre d’un animal et penser que cela repoussera. Ce sont des différences fondamentales en ce qui concerne la croissance et le développement. Toutefois, la complexité de l’organisme et le mystère de son fonctionnement sont des caractéristiques communes aux animaux et aux plantes.
La dignité de la créature ancrée dans la Constitution est valide pour les plantes. En Europe, la Suisse est le seul pays qui dispose d’une telle norme constitutionnelle pour protéger la dignité des plantes. Il s’agit de prévenir la destruction arbitraire des plantes. En tant qu’individus et en tant qu’espèces, les plantes sont des réalités naturelles, parfaites et uniques. Nous reconnaissons qu’elles n’existent pas seulement pour les humaines et les animaux, mais aussi pour elles-mêmes. Dans leur perfection et leur beauté, elles ont des intérêts propres. La dignité des plantes réside notamment dans cette forme d’apparition qui se suffit à elle-même et se meut intérieurement, telle qu’elle est issue de la nature. Valeur propre, entéléchie, adéquation, fin en-soi, autosuffisance (autarcie) et beauté décrivent la dignité des plantes. Il faut tenir compte de ces catégories lorsqu’on parle de la dignité des plantes.
En ce qui concerne la dignité des plantes, la CENH a publié un rapport sur la dignité de la créature chez les plantes en avril 2008. De plus, elle a mené une évaluation éthique des conséquences de la technologie « Terminator » sur l’agriculture et sur la dignité de la créature chez les plantes.

Thèses de Rheinau I

Qu'est-ce qu’une plante ? Les plantes ont-elles des droits ? Les « thèses de Rheinau sur les droits des plantes » tentent de répondre à ces questions. À cette fin, des biologistes, botanistes, obtenteurs de variétés végétales et philosophes ont adopté différentes approches du règne végétal durant deux ans. L’image de la plante ainsi obtenue a servi de base pour définir des limites contre l’instrumentalisation totale des plantes et pour formuler des thèses pour notre comportement à l’égard des plantes.

Thèses de Rheinau II (discussion sur la sélection)

Les « thèses de Rheinau II » examinent le sujet de la sélection. La discussion porte sur des questions fondamentales en ce qui concerne le comportement, dans la sélection, à l’égard des plantes et des animaux, par exemple :

  • Quel est le lient entre l’animal/la plante et l’homme dans la procédure de sélection ?
  • La procédure de sélection est-elle uniquement composée de détails techniques (par ex., relevé du rendement, résistances, etc.) ? N’est-ce pas plutôt une sorte de dialogue entre le sélectionneur et la plante ?
  • Quels facteurs ont une influence sur le développement d’animaux/de plantes ? Seulement les gènes ? Quel est le rôle de l’environnement naturel et culturel ?
  • PDF : Rheinauer Thesen II (en allemand)